Fontaine atomique

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La définition du temps.

"La seconde du système international d'unité est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de césium 133"

La seconde est l'unité qui est réalisée avec la plus grande exactitude.

Cela permet de réaliser le définition du mètre, la vitesse de le lumière étant fixée par définition (299 792 458 m/s).

Généralités sur les horloges atomiques.

Fonctions essentielles dans une horloge atomique.

Le principe d'une horloge atomique est illustré sur la figure: la fréquence n d'un oscillateur macroscopique est asservie sur la fréquence nat de la transition entre deux niveaux d'énergie de l'atome. Le signal utile de l'horloge, qui participe à la réalisation de l'échelle de temps du Temps Atomique International, est le signal délivré par l'oscillateur macroscopique asservi sur la transition atomique. Dans le cas de l'atome de césium 133Cs, qui a été pris pour atome de référence dans la définition de la seconde, la transition atomique est celle qui sépare les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental 62S1/2, et la fréquence de transition atomique vaut nat = 9 192 631 770 Hz lorsque l'atome est non perturbé (On peut imaginer fabriquer des horloges utilisant d'autres atomes sur des transitions micro-ondes (Rb, H, Mg ...) ou optiques (Sr, Ca, Hg+, Yb+ ...)). L'oscillateur macroscopique, quant à lui, est par exemple un oscillateur à résonateur en quartz, ou encore un oscillateur cryogénique à résonateur en saphir, refroidi à l'hélium liquide.

Fig 1.1

Principe de fonctionnement d'une horloge atomique.

L'asservissement est réalisé de la manière suivante: on prépare les atomes dans l'un des deux niveaux, excité ou fondamental;

  1. on les excite ensuite avec une impulsion de la radiation à la fréquence n (on dit qu'on "interroge" les atomes). Selon le désaccord n-nat, les atomes transitent plus ou moins d'un niveau vers l'autre (c'est la "réponse" des atomes). On verra que la réponse atomique à cette excitation est maximale lorsque n= nat.

  2. on corrige la fréquence de l'oscillateur macroscopique (nommé "oscillateur d'interrogation") de façon à rester asservi autour de l'optimum de la réponse atomique.

Principe de l'interrogation de Ramsey

La figure illustre la méthode utilisée pour interroger les atomes dans les horloges de grande exactitude. Cette méthode porte le nom du physicien N. Ramsey qui la proposa pour la première fois en 1950. Les atomes sont initialement préparés dans l'un des deux états hyperfins de la transition d'horloge (disons |f> pour la suite du raisonnement). Ils sont ensuite interrogés par le champ micro-onde de fréquence n. L'interrogation de Ramsey se déroule sur un intervalle de temps de durée T, séparant deux étapes très courtes, de durée t<< T. Les atomes sont effectivement couplés au champ micro-onde uniquement pendant les phases de durée n, tandis que pendant l'intervalle de temps T, l'atome n'est pas couplé au champ, et l'état interne de l'atome évolue librement. A l'issue de cette interrogation, et dans les conditions de fréquence et de puissance du champ interrogateur qui maximisent la probabilité de transition, les atomes ont effectué la transition vers le niveau |e>. Un système de détection mesure alors dans quel état ils se trouvent. Le résultat de la mesure permet d'estimer la probabilité de transition. Elle vaut 1 dans la situation optimale.

Fig 1.2

La probabilité de transition en fonction du désaccord de la fréquence de l'oscillateur d'interrogation par rapport à la transition atomique, d= n-nat, est représentée sur la figure. C'est un système de franges, centré en d =0, dont la période vaut 1/T, et qui s'atténuent lorsqu'on s'éloigne de résonance. La largeur à mi-hauteur de la frange centrale vaut Dn=1/2T, tandis que la largeur à mi-hauteur de l'enveloppe des franges vaut ~1/t. Plus la durée T du vol libre est grande, plus la largeur de la frange centrale est petite, et plus la pente à mi-hauteur de la frange centrale est élevée. Cette pente représente la sensibilité avec laquelle les atomes discriminent la fréquence qui les interroge. On a donc intérêt à ce qu'elle soit la plus élevée possible, c'est à dire à ce que la durée T de vol libre soit la plus élevée possible.

Par ailleurs, à pente fixée, l'horloge est d'autant plus performante que l'on sait résoudre une fraction toujours plus infime de sa fréquence. Cette fraction est inversement proportionnelle au facteur de qualité de la résonance:

On a donc intérêt à ce que le facteur de qualité soit le plus grand possible, c'est à dire à choisir un atome dont la fréquence de transition atomique, nat, soit la plus élevée possible. Les atomes se déplacent physiquement de la source au système de détection en traversant la zone d'interrogation. C'est ce qui se passe dans les horloges à jet thermique. Les atomes sortent d'un four et se déplacent à une vitesse moyenne de ~200 m/s.

Par ailleurs, les effets parasites qui déplacent la fréquence de l'horloge sont d'autant plus difficiles à maîtriser que les dimensions de l'horloge sont élevées. En pratique, la longueur de la zone d'interrogation ne dépasse pas ~1m, et la durée de la phase de vol libre est donc limitée à ~5ms. La frange centrale a donc une largeur de ~100 Hz, et le facteur de qualité, pour un jet thermique de Cs, est de l'ordre de 9.2 107. Une méthode pour allonger le temps de la phase de vol libre consiste, sur Terre,à lancer les atomes vers le haut. Les atomes traversent une première fois une cavité micro-onde, où ils interagissent avec le champ interrogateur, ralentissent sous l'effet de la pesanteur, rebroussent chemin, et traversent une deuxième fois la même cavité micro-onde, où ils interagissent à nouveau avec le champ interrogateur. Ils sont enfin détectés. Il s'agit donc d'une interrogation de Ramsey spatialement repliée. Une première tentative pour fabriquer un tel dispositif, appelé "fontaine atomique", a été effectuée par Zacharias en 1953, avec un jet thermique vertical. Mais, en raison de la déficience en atomes lents dans un jet atomique, cette expérience resta sans résultat.

Au début des années 1990, le développement des techniques de refroidissement d'atomes par laser rendit cette idée réalisable. La première fontaine atomique fonctionna en 1989 avec des atomes de sodium. Pour la première fois, des franges de Ramsey d'une largeur de 2 Hz furent observées en appliquant le schéma d'interrogation décrit ci-dessus. Peu après, la première fontaine à atomes froids de Cs fut réalisée à des fins métrologiques selon le schéma de principe imaginé par Zacharias près de 40 ans auparavant. Ce dispositif sera détaillé plus loin. Signalons dès maintenant que dans une fontaine de 30 cm de haut, ce qui correspond à une vitesse de lancement de 2.5 m/s, la durée du vol libre vaut 0.5 s et la frange centrale de Ramsey a une largeur à mi-hauteur de 1 Hz. Par rapport au jet thermique fonctionnant avec le même atome de Cs, ceci représente un gain automatique d'un facteur 100 sur le facteur de qualité de la résonance atomique.

Fig 1.3

Franges de Ramsey obtenues sur la fontaine Rb. L'insert montre la frange centrale. Chaque point représente une mesure unique de la probabilité de transition P, de durée totale Tc = 1.3 s. La régularité de la courbe montre le faible bruit de cette mesure.

Une autre méthode pour allonger la durée de la phase de vol libre est de s'affranchir de la pesanteur et de lancer les atomes très lentement dans la configuration d'interrogation à deux zones séparées. Dans l'espace, les techniques de refroidissement laser permettent de contrôler le lancement des atomes jusqu'à des vitesses de l'ordre de 5 cm/s; le vol libre dure alors typiquement 5 s, ce qui permet de gagner en théorie un autre facteur 10 sur le facteur de qualité atomique par rapport aux fontaines à atomes froids.
 

Signalons enfin que la séquence d'interrogation peut être effectuée temporellement (et non spatialement), les atomes restant fixes. C'est le cas par exemple dans les horloges à ions piégés.

Stabilité de fréquence d'une horloge atomique.

La fréquence du signal utile délivré par une horloge atomique peut s'écrire sous la forme:

nef désigne la fréquence de Bohr entre les deux niveaux de la transition d'horloge de l'atome non-perturbé. e représente le déplacement, en valeur relative, de la fréquence moyenne du signal, par rapport à nef. y(t) représente les fluctuations de fréquence de ce signal, également en valeur relative. Ces fluctuations déterminent la stabilité de fréquence de l'horloge, c'est à dire sa capacité à reproduire la même fréquence moyenne au cours du temps. La stabilité d'une horloge est souvent caractérisée par l'écart type des fluctuations de fréquences. Malheureusement, pour les fluctuations lentes de la fréquence de l'horloge, on montre que la variance vraie de ces fluctuations n'existe pas. C'est le cas par exemple lorsque la densité spectrale de puissance de bruit de fréquence est du type Sy(f) = hafa avec a =<-1. Ceci pose un problème puisque c'est justement le bruit basse fréquence (i.e. sur le long terme) qui nous intéresse pour caractériser une horloge. Afin de remédier à ce problème, D. Allan a introduit un autre type de variance, intéressante à plusieurs titres.

La variance d'Allan est intéressante à plusieurs titres. D'abord, elle existe, mathématiquement, pour tous les types de bruit de fréquence usuellement rencontrés quand on manipule des horloges. Ensuite, la courbe, en échelle log-log, est linéaire par morceaux, et la pente de chaque morceau est caractéristique d'une puissance de a.(sauf pour a=1 et a=2, pour lesquels les pentes sont égales et valent -1. Mais ceci est sans importance dans le cas des fontaines puisque ce sont les bruits à basse fréquence qui nous intéressent, c'est à dire pour a =< 0.). On peut donc facilement déduire de la courbe le type de bruit dominant sur le signal d'horloge. Par exemple, dans les fontaines atomiques il s'agit de bruit blanc (les fluctuations des fréquences ne sont pas corrélées) de fréquence, qui se traduit par une décroissance en t-1/2:

Les effets qui sont à l'origine des fluctuations de fréquence du signal d'horloge peuvent être classés en 3 catégories:

bullet

le bruit blanc de fréquence de l'oscillateur d'interrogation lui-même;

bullet

le bruit blanc de probabilité de transition produit par le système de détection, et qui, via l'asservissement, se traduit par des fluctuations sur les signaux de correction appliqués sur la fréquence de l'oscillateur d'interrogation;

bullet

le bruit blanc intrinsèque à la mesure de l'état interne des atomes à l'issue de l'interrogation de Ramsey, lié aux postulats de la mesure en mécanique quantique (principe de décomposition spectrale et réduction du paquet d'onde) (cf. Cohen-Tannoudji Tome1).

Sur des temps très longs, la stabilité de fréquence des horloges atomiques atteint un palier (sy(t)=constante, bruit de scintillation de fréquence) dû à des fluctuations incontrôlées des perturbations agissant sur les atomes. Ce palier n'a pas encore été observé sur les fontaines, faute d'une horloge suffisamment stable à long terme à laquelle se référer.

Exactitude d'une horloge atomique.

e représente le déplacement, en valeur relative, de la fréquence moyenne du signal délivré par l'horloge, par rapport à la fréquence de Bohr de la transition atomique de l'atome non perturbé, nef. L'origine de ce déplacement de la fréquence de l'horloge provient des effets qui perturbent de manière déterministe le processus d'interrogation des atomes (on parle d'effets systématiques). Ce déplacement n'est pas gênant tant qu'on sait l'évaluer.

On appelle "exactitude" l'incertitude avec laquelle on évalue e.

Cette incertitude, liée aux effets systématiques qui déplacent la fréquence d'horloge, porte parfois le nom "d'incertitude de type B", par opposition à l'incertitude statistique de la mesure (l'incertitude de type A d'une mesure de durée t peut être estimée par l'écart type d'Allan qui porte le nom "d'incertitude de type A.

La qualité de la réalisation de l'unité de temps est donc déterminée par l'exactitude de l'horloge à Cs utilisée. L'exactitude actuelle des jets thermiques au Cs est voisine de 6.10-15, celle des fontaines atomiques à atomes froids de Cs est voisine de ~10-15.

De plus, les dérives des paramètres, au cours de la mesure, peuvent induire une dérive des effets systématiques. Dans ce cas, une telle dérive se traduit par une dégradation de la variance sur le long , et peut donc, en dépit d'une bonne stabilité à court terme, ralentir voire empêcher l'évaluation de l'horloge au niveau d'exactitude espéré. Face à ce problème, on a deux possibilités:

bullet

soit on rend les effets systématiques les plus petits possibles, de façon à limiter les dérives,

bullet

soit on essaie d'évaluer ces effets systématiques avec la résolution suffisante pour pouvoir corriger leur dérive, ce qui revient à "blanchir" le bruit de fréquence de l'horloge. Ceci n'est pas toujours trivial en pratique.

Le problème du déplacement collisionnel illustre bien ces deux alternatives, la première dans le cas du 87Rb, la seconde dans le cas du Cs.

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Page mise à jour le 25/11/06