Shift Collisionnel

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Le déplacement collisionnel est un déplacement de la fréquence des horloges dû aux interactions entre les atomes. L'étude de ce déplacement a d'une part un intérêt pratique lié à l'amélioration des horloges et d'autre part un intérêt fondamental lié à la compréhension des interactions entre atomes froids. Ainsi, dès les toutes premières évaluations des fontaines à césium, le déplacement collisionnel est apparu comme une des plus sévères limitations de l'exactitude ultime de ces horloges. Parallèlement, les tentatives d'obtenir des condensats de Bose-Einstein avec du césium sont restées infructueuses. Il s'est avéré que ces deux difficultés avaient une cause commune: la force particulière des interactions à deux corps entre atomes froids de césium. Au contraire, les premiers calculs théoriques ont conclu que le déplacement collisionnel pour le rubidium 87 Rb était 15 fois plus petit que pour le césium, ce qui a contribué à motiver la construction de la fontaine utilisant le rubidium en vue d'obtenir une horloge plus exacte, ou du moins plus reproductible. De plus, l'étude détaillée des collisions dans les horloges permet une confrontation des prédictions théoriques avec l'expérience, dans un domaine où des désaccords sont souvent apparus.

L'une des contributions majeures au bilan d'exactitude actuel des fontaines atomiques provient des collisions entre atomes froids de Cs. Le déplacement de la fréquence d'horloge qu'elles entraînent croît linéairement avec la densité volumique d'atomes en interaction. Or, dans le cas du Cs, ce déplacement collisionnel est très élevé. Par exemple, dans la fontaine FO1, nous avons mesuré un déplacement collisionnel de 3.10-14 pour 4.106 atomes sélectionnés dans les niveaux d'horloge m=0, en configuration de piège magnéto-optique. Ce déplacement collisionnel est supérieur par deux ordres de grandeur à l'exactitude recherchée de quelques 10-16. Atteindre ce niveau d'exactitude supposerait, dans ces conditions, que l'on stabilise la densité d'atomes au niveau de 1%, performance non réaliste en pratique. Connaître la densité à seulement 20% sur le long terme requiert déjà des efforts considérables, parce que le nuage d'atomes froids évolue au cours de la phase d'interrogation, et que sa densité moyenne est très sensible aux paramètres de refroidissement.

Dans le cas du Cs, on est donc amené à diminuer la densité atomique, d'une part en diminuant le nombre d'atomes lancés dans la fontaine, et d'autre part en capturant les atomes non plus dans un piège magnéto-optique, mais dans une mélasse optique. Il s'ensuit une diminution du nombre d'atomes détectés, et donc une dégradation de la stabilité de l'horloge. Par exemple, dans la configuration de piège mentionnée ci-dessus, le nombre d'atomes détectés valait typiquement 4.105. La stabilité, alors dans le régime optimal où elle est limitée par le bruit de projection quantique, valait 6.10-14t-1/2. Une telle stabilité, si le déplacement collisionnel pouvait être stabilisé au niveau de 1%, permettrait d'atteindre 2.10-16 au bout d'1 jour d'intégration. Cette condition n'est malheureusement pas remplie en pratique. Par ailleurs, diminuer le nombre d'atomes détectés ne serait-ce que d'un facteur 10 allonge aussi d'un facteur 10 le temps d'intégration nécessaire pour atteindre le même niveau de stabilité de 2.10-16. Une contrainte non-réaliste si on veut évaluer en un temps raisonnable et au même niveau tous les autres effets systématiques du bilan d'exactitude de la fontaine. On conçoit donc que, du fait du déplacement collisionnel élevé dans une fontaine à Cs, le compromis "exactitude/stabilité" semble particulièrement difficile si on souhaite atteindre une exactitude dans la gamme de 10-15 à 10-16.

Nous avons récemment mis au point une nouvelle technique de mesure du déplacement collisionnel. Pour changer le nombre d'atomes dans l'horloge, sans modifier ni la distribution de vitesse, ni la distribution de position, les atomes sont sélectionnés dans une cavité micro-onde, dite de sélection, dans le sous niveau magnétique mF=0 à l'aide d'un transfert de population par passage adiabatique. Pendant que les atomes sont dans cette cavité, nous appliquons une impulsion micro-onde, dont l'amplitude et le désaccord à résonance sont balayées conformément aux profils qu'on trouve sur les figures suivantes. Le balayage de l'amplitude du champ micro-onde est celui d'une impulsion Blackman.

Fig. 3.1 - Profil des balayages en amplitude et en désaccord de l'impulsion micro-onde dans la cavité de sélection.

La probabilité de transition est alors de 100 %, pourvu que la fréquence de Rabi au sommet de l'impulsion soit suffisamment élevée. Mais on peut aussi arrêter le balayage de l'impulsion quand le désaccord est nul. On a alors une probabilité de transition de 50%, elle aussi indépendante de la fréquence de Rabi. Cela permet de garantir qu'en dépit de l'inhomogénéité du champ-micro-onde dans la cavité de sélection, on est capable de sélectionner tous les atomes initialement dans l'état |F=4,mF=0> (resp. la moitié d'entre eux) en appliquant une impulsion de type Blackman (resp. "Demi-Blackman").
Nous avons vérifié ce point en mesurant la probabilité de transition en fonction de a fréquence de Rabi au somment de l'impulsion ( Fig. 3.2).

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Fig. 3.2

Probabilité de transition en fonction de la fréquence de Rabi maximale, pour des impulsions Blackman (rouge) et Demi-Blackamn (noir). Les mesures sont représentées par des carrés, alors que les croix, et les traits, sont les résultats de simulations numériques tenant compte, ou non, de l'inhomogénéité du champ micro-onde dans la cavité.
 

Cette méthode permet de préparer deux échantillons atomiques de distribution de vitesse et de position identiques, avec un rapport de nombres d'atomes dans les échantillons exactement égal à 2. On peut alors extrapoler avec confiance la valeur de la fréquence de l'horloge à densité nulle, à l'aide des mesures de la fréquence de l'horloge effectuées de façon entrelacées avec ces deux échantillons atomiques. Nous avons validé cette technique au niveau du %, mais les simulations numériques que nous avons effectuées indiquent qu'elle permet de mesurer le déplacement collisionnel au niveau du pour mille. L'utilisation de cette nouvelle technique permettra dans le futur d'évaluer le déplacement collisionnel à mieux que 10-16, même si l'horloge fonctionne avec un grand nombre d'atomes.

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Page mise à jour le 20/02/07